Alors que la crise anglophone s'enlise de manière inversement proportionnelle aux moyens engagés et aux intentions formulées pour y mettre un terme les dernières nouvelles relatives à cet épineuse question laissent plutôt penser à un désaccord fondamental entre des leaders religieux qui proposent d'offrir leurs bons offices et le gouvernement déterminé à faire en sorte que force reste à la loi.
A l'origine de la pomme de discorde qui oppose le gouvernement camerounais à certains leaders confessionnels en tête desquels le Cardinal Christian Tumi, l'initiative de l'Archevêque émérite de Douala et de trois autres chefs religieux anglophones, de convoquer une conférence pour le retour de la paix dans les Régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest.
A l'invitation de Mgr Tumi, et dans le but de réfléchir sur les solutions de sortie de crise dans les Régions du Sud-Ouest et Nord-Ouest, les quatre personnalités, (Mgr Tumi, Révérend Babila George Fochang de l'église presbytérienne du Cameroun, Imam Tukur Mohammed Adamu de la Mosquée centrale de Bamenda dans le Nord-Ouest et Imam Alhadji Mohammed Aboubakar de la Mosquée centrale de Buea dans le Sud-Ouest) se sont retrouvés en effet le 25 juillet 2018 à Douala pour poser les bases d'une future conférence anglophone, qui devrait contribuer selon eux à mettre fin à la dévastatrice et meurtrière guerre de sécession qui se déroule la partie anglophone du Cameroun depuis la mi-2017, après avoir été à ses débuts entre fin 2016 et début 2017 une affaire de revendications socioprofessionnelles d'enseignants et avocats d'expression anglaise.
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Après avoir convenu de la date de la convocation d'une conférence anglophone qu'ils ont fixée du 29 au 30 aout 2018 à Buea. Les autorités religieuses ont indiqué que toutes les populations des deux régions impliquées dans ce que l'on appelle la crise anglophone y sont invitées, et devraient par ailleurs apporter leurs contributions dans le cadre du Plan d'Assistance Humanitaire d'Urgence lancé le mois dernier par le gouvernement.
Les propositions recueillies lors de cette rencontre, ont-ils également indiqué, seront envoyées au président de la République, à charge pour celui-ci de convoquer, s'il l'estime opportun, des pourparlers nationaux pouvant à terme dégager une solution définitive. Pour finir, ils ont mis en exergue la libération de toutes les personnes incarcérées dans le cadre de la crise anglophone, le dépôt des armes par les rebelles et le retour des réfugiés.
Le gouvernement, par la voix de Issa Tchiroma, totalement opposé toute tentative de désamorçage de la crise
Et c'est précisément à ce niveau que le bât blesse, si l'on s'en tient à la réaction du ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakari, qui s'est exprimé le 27 juillet à la télévision publique CRTV, en réaffirmant la position du gouvernement sur la crise anglophone en général et l'initiative des leaders religieux en particulier : « On ne peut pas demander à un Etat de droit, comme le nôtre de libérer ceux qui ont tué, massacré et qui se trouvent aujourd'hui arrêtés… », a affirmé monsieur Tchiroma, invitant au passage le public à ne pas faire l'amalgame entre les terroristes qui tuent et l'armée régulière qui veille sur les hommes et les biens. Non sans souligner, un brin hypocrite : « Je voudrais au nom du gouvernement dire la chose suivante: toute initiative, d'où qu'elle vienne pourvu qu'elle contribue à consolider la paix sur l'ensemble du territoire là où cette dernière serait menacée, toute initiative qui concoure à consolider l'héritage que les pères fondateurs de notre nation nous ont légué est la bienvenue… En revanche, s'agissant de ce communiqué, au nom du gouvernement, je voudrais marquer un étonnement qui consiste à dire qu'on ne peut pas se permettre de placer sur un même piédestal l'armée républicaine, qui aujourd'hui se déploie et se bat pour la protection de l'intégrité territoriale de notre nation, la mettre au même niveau que des bandes armées, des terroristes qui tuent, égorgent, décapitent, brûlent les écoles, commettent un crime imprescriptible, qui consiste à empêcher aux jeunes Camerounais, à nos enfants, les futurs dirigeants de notre nation d'acquérir les connaissances indispensables pour la gouvernance de notre nation. Que ceux là empêchent à nos enfants d'aller à l'école est un crime incompréhensible, inacceptable ».
Si la proposition des leaders religieux a laissé poindre une once d'espoir de sortie de cette crise, elle n'aura pas prospéré pour autant à cause de l'orgueil d'un gouvernement qui, même s'il ne le dit pas, l'a rejeté parce qu'il s'imagine qu'à travers leur initiative, les chefs religieux se sont comportés comme s'ils constituaient une autorité au dessus de l'Etat.
Certains pontes du régime affirment à ce propos que « la bande à Monseigneur Tumi aurait dû prendre langue avec le gouvernement avant de rendre publique cette initiative, pour donner l'impression que c'est le gouvernement qui avait l'avait mise en mission de bons offices. Au contraire, ajoutent-ils, ils ont donné le sentiment d'évoluer en électrons libres, au point de discriminer entre les catégories d'anglophones éligibles à ce conclave. C'est par exemple le cas quand il est stipulé dans le communiqué du 25 juillet 2018 que la conférence générale des anglophones sera ouverte à tous ceux qui se réclament de cette partie du Cameroun, et qui répondent aux deux exigences précisées dans le communiqué publié après le meeting des leaders religieux, à savoir ceux dont les ancêtres sont issus des 13 départements qui composent les deux régions anglophones du Cameroun« , et ceux dont les ancêtres s'y sont installés permanemment avant 1961. »
Est aussi regardé d'un mauvais œil par le régime le fait que l'organisation de ces assises soit confiée à M Simon Munzu, ancien assistant et porte-parole du secrétaire général des nations unies, considéré par les anti-séparatistes comme un de ceux qui ont toujours supporté en sous-main la partition du Cameroun, même en tenant publiquement un discours plutôt pro-fédéraliste. Lequel, par ailleurs, tranche avec l'orientation de la forme de l'Etat que les autorités camerounaises, plus portés vers la décentralisation veulent imprimer.
Des arguments qui, s'ils manquent peut-être de pertinence, n'en sont pas moins compréhensibles dans la mesure où tous les gouvernements du monde ont coutume d'évoquer l'Etat et/ou la notion d'autorité de l'Etat dont ils sont l'incarnation, pour prétendre que toutes les autres entités n'ont pas vocation à passer avant eux. Sauf que non seulement les initiateurs du conclave mort-né ne pouvaient pas cheminer dans l'esprit du gouvernement va-t-en-guerre du Cameroun (qui n'a nullement montré ce jour, soit dit en passant, de réelles dispositions au dialogue avec ses vrais adversaires que sont les séparatistes armés), pour savoir ce qu'il voulait exactement.
Mais était-ce une bonne raison pour un gouvernement qui a des prétentions d'être responsable, d'envoyer paître d'honnêtes et vénérables gens qui ne demandaient qu'à essayer de ramener la paix en établissant ce qui se serait révélé une passerelle pour des pourparlers entre les jusqu'au-boutistes de tous bords ?
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Pour certains analystes qui pensent que pour en arriver à la décrispation, le gouvernement devrait à un certain moment mettre entre parenthèses son formalisme, et permettre que des initiatives osées, qui ne sont pas toujours à son goût, soient prises, question de donner une chance au retour de la paix, ou de rendre les sécessionnistes qui eux aussi ne sont pas partants pour un retour sans condition à la paix (synonyme pour eux d'abandon de leur lutte) seuls responsables de la perpétuation de la crise, le gouvernement camerounais vient là de rater une occasion d'une résolution par les Camerounais de la crise anglophone, et par conséquent, d'éloigner le risque d'une implication (ingérence) de la communauté internationale dans ce problème, avec les conséquences que l'on peut imaginer.
Ça aurait été le cas par exemple, expliquent-ils si le gouvernement, prenant acte de la proposition (d'un cessez-le-feu immédiat, aussi bien du côté des forces de défense que des sécessionnistes) faite au sortir de la rencontre de Douala par Monseigneur Tumi et ses collègues presbytérien et musulmans, prenait les devants en annonçant s'y engager, à la seule condition que la sécurité des participants aux assises des 29 et 30 août prochains ne soit pas menacée. Or la réaction ferme du ministre Tchiroma indique que ces assises ne sont même pas envisageables. et ne se tiendront que dans le cadre restreint de l'esprit de ses seuls initiateurs et de ceux qui y ont cru.
En définitive, il est difficile, et c'est le moins que l'on puisse dire en ces moments troubles de l'histoire du Cameroun, de trancher entre les positions tranchées des uns et des autres.